DENISE HARISPOUROU-CAZENAVE

DENISE HARISPOUROU-CAZENAVE, PRODUCTRICE DE PIMENT D’ESPELETTE AOP DEPUIS 2004.

“Il faut avoir le goût de bien faire les choses, respecter le sol que nous occupons, que nous travaillons.”

Quelques dates :

1995 : La famille de Denise devient officiellement propriétaire de la ferme et de ses terres

2004 : Denise reprend la ferme familiale

2011 : Denise s’associe à son fils Andoni.

2020 : Rentre au sein du conseil d’administration du syndicat du piment d’Espelette AOP

Comment êtes-vous devenue productrice de piment d’Espelette AOP ?

J’ai repris l’exploitation agricole familiale en 2004 suite au décès accidentel de mon frère Francis cette même année. Nous avons plusieurs activités agricoles : l’élevage de 200 brebis Manech à tête rousse, 24 vaches allaitantes mères blondes d’Aquitaine et la culture de piment d’Espelette AOP avec 30.000 plants. On représente la ferme typique du pays basque, plusieurs activités, peu de surface que l’on valorise et nous pratiquons la transhumance. Mes arrières grands-parents cultivaient déjà le piment d’Espelette mais uniquement pour eux, dans le potager. C’est ma mère qui a intégré la 1ère coopérative dans les années 80, qui regroupait les producteurs de piment d’Espelette. Elle plantait environ 5000 plants.

Mon frère a continué et aujourd’hui avec mon fils, nous avons un peu plus développé la culture. La raison première étant que j’aime ça ! Et puis c’est une activité qui est adaptée à une femme notamment en matière de force physique (un aspect qui n’est pas évident dans toutes les productions agricoles). Dans la production de piment d’Espelette, une femme peut tout faire.

On a réussi à s’installer à force de travail et de respect de la terre où nous sommes. Nous sommes propriétaires depuis 1995. Depuis mes arrières grands-parents, nous étions locataires, métayers mais comme beaucoup ici. L’ancienne propriétaire de notre ferme possédait 10 fermes ! Avant, les paysans bougeaient souvent, ils restaient ¾ ans puis trouvaient une autre ferme, avec de meilleures terres. 

Quel type d’agriculture pratiquez-vous et quels sont les moyens techniques utilisés ?

Nous pratiquons une agriculture raisonnée. Chaque activité agricole (vache, brebis, piment) représente 1/3 de notre activité globale. Je m’occupe essentiellement du piment pendant la saison, cela représente environ 50 à 60 h de travail par semaine. Cela justifie aussi le prix du pot de poudre de piment d’Espelette AOP par exemple ! 

Comment s’organise la transformation du piment d’Espelette AOP ? Quels types de produits réalisez-vous ?

Nous avons notre propre matériel agricole pour le travail de la terre et la transformation du piment (four, broyeur, …), en revanche nous faisons parti de la CUMA Bixie Bixia d’Itxassou pour la location de la planteuse et de la plastiqueuse.

Concernant la transformation, nous réalisons de la poudre de piment d’Espelette AOP et quelques produits dérivés : purée, moutarde, gelée. Nous pratiquons la vente directe et nous vendons à des magasins spécialisés et des revendeurs. Nous travaillons notamment avec des revendeurs aux USA, au Canada et en Belgique.

Quelles sont les qualités à avoir pour être productrice de piment d’Espelette AOP ?

Il faut avoir le goût de bien faire les choses, respecter le sol que nous occupons, que nous travaillons.

Selon vous, quels ont été les moments forts de l’histoire du piment d’Espelette AOP ?

L’obtention de l’AOC en 2000. La création du syndicat en 1993. Tout ce qui permet aujourd’hui l’installation de jeunes agriculteurs, des petites fermes qui respectent ce beau produit. 

Quelle vision portez-vous sur la filière aujourd’hui ?

Aujourd’hui les vrais paysans sont minoritaires, comme c’est le cas dans d’autres filières. Certains sont plus commerciaux qu’agriculteurs et ils n’hésitent pas à piquer, à usurper le marché d’un paysan. Ce sont les mêmes qui ont peu de conscience face au développement durable. Concernant le changement climatique aussi. Depuis 10 ans, on constate une dégradation de plus en plus importante. Plus de maladies, de ravageurs. 

Le piment d’Espelette fête les 20 ans de son appellation.

Que souhaitez-vous au piment d’Espelette et à ses acteurs pour les 20 prochaines années ?

Que l’on revienne à une agriculture plus raisonnée, que les producteurs se sentent concernés par les différentes problématiques liées à la culture. Qu’ils se sentent concernés par l’AOP. Que les quantités de production soient plus maîtrisées et maîtrisable par chacun pour rester autonome. 

Une dernière question. Quel est votre plat préféré avec le piment d’Espelette AOP ?

Une bonne soupe de légumes maison !